Histoire du Karate

Maître Gichin Funakoshi (1868 - 1957)
Extrait du livre écrit par Gichin Funakoshi " karate dô kyôhan " traduit par Tsutomu Ohshima
A Okinawa, un art martial miraculeux et mystérieux nous est parvenu du passé. On dit que celui qui en a maîtrisé les techniques peut se défendre efficacement sans utiliser d'armes et accomplir des exploits remarquables: rompre plusieurs grosses planches de son poing ou briser une poutre de plafond d'un coup de pied. Il peut tuer un taureau d'un seul coup de son shutô "le sabre de la main", li peut percer le flanc d'un cheval de sa main ouverte, il peut franchir une pièce suspendu par les doigts aux poutres du plafond, il peut écraser une tige de bambou vert de sa main nue, cisailler une corde de chanvre d'une simple torsion ou écraser une roche tendre entre ses mains.
Certains considèrent que ces aspects de cet art martial, miraculeux et mystérieux, sont l'essence du Karate-dô. Ces faits ne sont qu'une part mineure du Karate, analogue aux épreuves de coupe de bottes de paille du Kendô et il est erroné de penser que le Karate-dô s'arrête là. En fait, le vrai Karate-dô met l'accent sur l'aspect spirituel des choses, bien plus que sur leur aspect matériel. Le Karate-dô véritable consiste à faire en sorte que, dans la vie quotidienne, l'esprit et le corps soient entraînés et développés avec humilité et que, dans les moments critiques, on soit capable de se dévouer entièrement à la cause de la justice.
...
LE DÉVELOPPEMENT DU KARATÉ
Il y a près de quatorze cents ans, DARUMA (BODHIDHARMA), le fondateur du bouddhisme Zen, quitta l'Inde occidentale traversant des chaînes montagneuses, dont l'Himalaya, des rivières et des contrées encore sauvages, pour atteindre la Chine afin dy' dispenser des cours sur le bouddhisme. Aujourd'hui même, on en peut qualifier de bonnes les routes reliant l'Inde et la Chine; on peut alors imaginer la force de l'esprit de Daruma, ainsi que sa force physique, qui lui permirent de surmonter tout seul les difficultés de ce voyage long de plusieurs milliers de kilomètres. Plus tard, alors qu'il était au temple de Shaolin (Shorin-ji), dans la province chinoise de Huan, pour donner des cours sur le bouddhisme, beaucoup de ses élèves furent terrassés d'épuisement par la sévérité de son entraînement. Daruma mit alors au point une méthode pour développer l'esprit et le corps, leur disant:
" Bien que la voie de Bouddha soit destinée à l'âme, le corps et l'âme sont inséparables. Ainsi que je vous vois maintenant, il est probable que vous ne pourrez pas achever votre entraînement à cause de votre épuisement physique. Pour cette raison, je vais vous enseigner une méthode grâce à laquelle vous pourrez développer suffisamment votre résistance physique pour être capable d'acquérir l'essence de la voie de Bouddha ".
La méthode qu'il développa est exposée dans le "Ekkin Kyo" (Sutra Ekkin). Grâce à elle, les moines purent recouvrer leurs forces spirituelles et physiques. Et on raconte que les moines du temple de Shaolin furent réputés à travers la Chine pour leur courage et leur force.
Longtemps après avoir été enseignée, cette méthode, originellement proposée par Daruma, se répandit à d'autres endroits et finit par porter le nom de son lieu d'origine: elle fût appelée " Shorin-ji Kempo ". C'est cette méthode qui a peut-être atteint les îles de Ryukyu et qui s'est développée pour former l'Okinawa-te, prédécesseur du karate actuel.
Bien qu'il n'y ait aucune preuve écrite qui permette de savoir les dates d'apparition ou connaître les organisations originelles, on croit que le karate a atteint Okinawa très tôt. Et pourtant, ce Kempo a fini par être connu comme un art martial unique propre à Okinawa. Il y a près de cinq cents ans, après que le fameux héros et roi, Sho Hashi, ait unifié les trois territoires d'Okinawa, on interdit alors la possession de toute arme. Deux cents ans plus tard (dans le calendrier japonais, la quatorzième année de Keicho, soit 1609), les armes furent à nouveau confisquées dans les îles par le gouvernement, lorsque le clan japonais des Satsuma étendit sa suzeraineté sur les îles de Ryukyu. On suppose que le développement du karate dans les îles, comme un moyen d'auto-défense, reçut une impulsion formidable de cette double interdiction et, ainsi, devint l'art martial d'Okinawa, le karate que nous connaissons aujourd'hui.
Sans aucun doute, les nombreux experts qui voyagèrent entre Okinawa et la Chine, contribuèrent beaucoup à amener le karate à son niveau actuel. Par exemple, la tradition orale dit qu'il y a près de deux cents ans, un certain Sakugawa de Akata, de Shuri, voyagea en Chine puis retourna à Okinawa après avoir maîtrisé l'art du karate au point d'être connu sous le nom de " karate Sakugawa " à son époque. Encore, d'après Shiodaira de Shuri, li y a cent cinquante ans (ainsi que celà est rapporté dans les notes d'Oshima de Tobe, de Tosa, Japon), un expert chinois du nom de Ku-Shanku vint à Okinawa accompagné de quelques-uns de ses élèves où il introduisit un type de Kempo. Des experts d'Okinawa, comme Sakiyama, Gushi et Tomoyori de Naha étudièrent pendant un certain temps avec l'attaché militaire Ason; Matsumura de Shuri ainsi que Maesato et Kogusuku de Kume étudièrent avec l'attaché militaire Iwah; Shimabuku de Uemonden, Higa, Senaha, Gushi, Nagahama, Aragaki, Hijaunna et Kuwae, tous de Kunenboya étudièrent avec l'attaché militaire Waishinzan. On dit aussi que le professeur de Gusukuma, Kanagusuku, Matsumura, Oyatomari, Yamada, Nakazato, Yamazato et Toguchi, tous de Tomari, était un chinois du sud qui dériva jusqu'à l'île.
C'est ainsi que le karate atteignit sa perfection et son organisation actuelle. Aune époque plus récente, Maître Tomigusuku reçut son entraînement de Sakiyama et les Maitres Azato et Itosu furent respectivement les élèves de Matsumura et Gusukuma. Les Maîtres Azato et Itosu furent les professeurs qui initièrent l'auteur au Karaté et à qui celui-ci exprime toute sa reconnaissance.
...
L'INTRODUCTION DU KARATÉ AUPRÈS DU GRAND PUBLIC
La pratique du karate était toujours exécutée dans le plus grand secret à Okinawa. aucun enseignement et aucun entraînement n'étaient donnés au grand jour, comme c'est le cas aujourd'hui. Pour cette raison, les livres et les écrits sur le karate sont pratiquement inexistants. Naturellement, il était impensable que le karate puisse être présenté dans une démonstration publique. Au début de la période de Meiji (1862-1912), un système d'éducation formel et un service militaire national furent instaurés. Au cours des visites médicales des étudiants et des conscrits, les jeunes gens qui avaient subi un entraînement de karate étaient reconnus au premier coup d'œil et impressionnaient les médecins par leurs membres et leur musculature harmonieusement développés. Puis, quelques temps après, le responsable des écoles publiques Shintaro Ogawa, dans un rapport au ministère de l'éducation nationale, recommanda que le karate soit inclus comme une part de l'éducation physique au programme des écoles normales et de la première école secondaire publique de la préfecture d'Okinawa. Cette recommandation fût agréée et appliquée dans ces écoles en 1902.
Peu après la fin de la guerre russo-japonaise, en 1906, l'auteur persuada certains de ses amis de former un groupe pour donner des représentations publiques.
A l'inauguration du nouvel hôtel préfectoral, à laquelle des personnalités nationales étaient invitées, le Sensei fût prié de diriger un groupe de cinq maîtres incontestés de karate, afin de présenter dans une démonstration cet art martial unique. A une autre occasion. Au cours des années 1914 et 1915, un groupe qui comprenait, entre autres, Mabuni, Motobu, Kyan, Gusukuma, Ogusuku, Tokumura, Ishikawa, Yahiku ainsi que d'autres amis, fit une série de démonstrations depuis les villes de Naha et de Shuri vers les régions avoisinantes. Ce fut grâce à l'effort incessant de ce groupe que le karate se popularisa à travers les conférences et les démonstrations et finit par être bien connu du public, au moins à Okinawa.
...
En 1916 ou 1917, Gichin Funakoshi, continuant son effort pour une popularisation plus large du karate, fut invité comme représentant d'Okinawa au Butoku-Den à Kyôtô, qui était à l'époque le centre officiel des arts martiaux, afin de faire une démonstration de karate. C'est la première fois que le karate, si longtemps enseigné en secret, fût présenté à l'extérieur d'Okinawa.
Le 6 Mars 1921, l'Empereur du Japon, qui était alors Prince héritier, en route pour l'Europe, rendit visite à Okinawa. A cette occasion, le karate fut sélectionné pour lui être présenté et je reçus l'insigne honneur et la grande responsabilité d'être choisi pour diriger la démonstration exécutée par un groupe d'étudiants. Lorsqu'on demanda au Prince quelles furent ses impressions sur Okinawa, il répondit avoir profondément apprécié le magnifique paysage, la Tranchée du Dragon de la Fontaine magique du Château de Shuri et la mystérieuse élégance du karate.
Maître Gichin Funakoshi 義珍船越 ne fut pas un " Fondateur" mais il est à l’origine du développement d’un art qui remonte bien avant lui, ce grand maître doit être considéré comme le père du karate moderne.
Gichin Funakoshi est né en 1868 à Shuri sur l’île d’Okinawa. Il commence le karate vers l’âge de 12 ans. L’entraînement à cette époque se faisait la nuit et dehors. Enfant, il fut entraîné par deux maîtres, chacun lui apportant une forme différente d’art martial. De Yasutsune Itosu sensei et de Yasutsune Azato sensei (tous deux élèves de Matsumura), il apprit le shuri-te 首里手; viendra plus tard son apprentissage du naha-te 那覇手. Par la suite il mélangea ces deux styles pour créer ce qui deviendrait un jour le karate shôtôkan 空手 松濤館. C’est lui qui créa le nom de karate-dô 空手道 mais aussi shôtôkan (la maison dans le bruissement des pinèdes tel une vague). Il instaura également le système de kyû 級 et de dan 段 pour les grades des pratiquants.
Maître Funakoshi s’établit alors à Tôkyô 東京 où il fondit en 1936 son propre dôjô 道場 "le Shôtôkan" 松涛館. Les jeunes japonais à cette époque avides de modernité avaient tourné le dos aux côtés traditionnels de leurs propres arts martiaux. Maître Funakoshi dut alors établir un enseignement plus conforme aux aspirations des jeunes japonais. Parmi les kata d’Okinawa, du shôrin-ryû 少林流 et du shôrei-ryû (nom générique donné au Naha-te 那覇手), seuls 15 kata furent conservés (et leurs noms japonisés) pour marquer l’évolution des élèves : les 5 heian, les 3 tekki, bassai dai, kanku dai ; hangetsu, enpi, jiin, jitte et gankaku.
De cette école sortiront de célèbres maîtres: Nakayama, Kase, Shirai, Ochi, Nishiyama, Kanazawa, Nagamine, Takagi , Yoshida, Obata, Noguchi et Otsuka.
Le fils de Maître Funakoshi, Yoshitaka prit la direction technique du dōjō à partir de 1938. Il fut un élément décisif de l’évolution du shôtôkan en introduisant des concepts et des techniques remontant à l’enseignement de Azato, et non plus à celui de Itosu.
Maître Funakoshi écrivit plusieurs ouvrage sur son art dont karate-dô kyôhan: Le texte Maître qui parut en 1922 sous le nom ryû-kyû kempô:karate, et il écrivit aussi en 1935 karate-dô nyûmon, reprenant et décrivant les 15 kata de base pré-cités.
Gichin Funakoshi décéda le 26 avril 1957 à l’age de 88 ans. Un monument a été érigé à sa mémoire à Kamakura en 1968 sur lequel on peut lire « Karate ni sente nashi » 空手に先手なし(Il n’y a pas de première attaque en karaté).

Créez votre propre site internet avec Webador